mercredi 17 janvier 2024

Au large de tes yeux

 



Au large de tes yeux, il y a des barques couleur de cerne, des pupilles qui s’émoussent. Orphelins d’un regard, quelques marins qui s’enhardissent sans leurs malles d’ivoire. Aux Battements de tes tempes, il y a des tant pis, des tempêtes, des temps qu’il faudra. Des battements tendus comme un voile blanc. Une ancre de solitude et le jais de l’horizon sur ton chignon défait.

Ce matin, c’est un temps de bourrasque.

Noyé dans la mer salée de tes larmes, je navigue à vue. Quand la pluie tombe à flots, je sais les mots qui chavirent. Les œillades en porte-voix, le ciel prunelle, la nuit qui gronde. Je sais tes sursauts, le remous des vagues et des soupirs quand tu viens te blottir tout contre moi. Je sais les contours de ta vie, tes peaux de chagrin adoucies par des pensées de brume. Mais la vieillesse s’engloutit parfois. Elle sombre dans le sommeil puis disparaît avec la mort. Tu dis alors que vieillir est une fortune de mer et le temps, un triste pilleur d’épaves. Qu’il faut croire en ses chimères ou bien périr…

Au large de tes yeux, il y a des rides comme des ralingues au vent. Des étraves dans l’amer, un front de mer, des visions enchanteresses. Des clignements d’effroi, des voyages au long-cours dont on ne revient pas. Au bout de ta jumelle, il y a une âme sœur, des lames de fond et des grains de beauté violents. Il y a tant de baumes salutaires, d’onguents et de voiles, d’espars et d’espoirs, tant de fards et d’éclats, tant d’ivresse et de ris à larguer, tant d’envies à couler, que bientôt, j’irai me fondre dans ta dernière larme...

vendredi 5 janvier 2024

Les passants de l'amer

 


Avec la marée, amarrée

Aux vitrines sémaphores

Les baleines échouées, parapluies bout-dehors

Jettent l’ancre aux tempêtes,

Et retiennent les silhouettes,

Comme les marins retiennent leur corps-mort.

 

Avec la marée, amarrée

A l’amer des passants

Au bout de la jetée, aux parkings de l’estran

Les caddies s’entrechoquent,

Et vont là de coque en coque,

Comme des marins ivres dans leur fiévreux caban.

 

Pendu aux mâts des réverbères, un phare radote

Reflet d’un enseigne quand la lumière tremblote.

Quartier-maître dans ces villes de misère

Qu’on ira mettre en quartiers, de ponts en ponts,

De voiles en voiles

De finistères en finistères.

 

Avec la marée, amarrée

Aux vitrines qui dessoûlent,

Quelques signaux en morse labourent la foule

Et filent alors plein foc.

Dans le roulis des pébroques,

Titubent les passants comme des marins dans la houle.

mercredi 20 décembre 2023

Libe et Lulle

 




Libe et Lulle sont deux demoiselles. Deux demoiselles qui font du zèle. Des coups bleus avec leurs ailes. Deux petites fleurs bleues avec quatre petites ailes et six gros ocelles.

Quand valsent les moustiques, elles font les gros yeux. A la piqûre d'un regard, prennent la mouche. Et tiquent ! Elles volent l'été, le temps et les volants de taie à l'étang. Des coussins de brume et de roseaux, un drap d'eau et de rosée...aquatique. Corsetées, elles voltigent de joncs en jonques, se chinent de jaune et de jonquille dans le crépuscule.

Là où les nénuphars pullulent, Libe et Lulle, alors se congratulent, s'exhibent. Conciliabules et bribes se bercent sur le trille d'un vent qui ulule avec les moulins à tan. Mais déjà tourne la roue à aubes. Un matin de papier bulle qui se dérobe avec les premiers papillons. Les premiers taons...

Là où la bonde s'émonde de ses branches mortes, Libe et Lulle capitulent dans la ronde. La fronde qui démantibule leurs mandibules, inhibe la diatribe de leurs sentiments ridicules. Elles ondulent sereines et reines, comme les battements d'une pendule, ce scribe malfaisant, cet immonde crapule. Là où la vase abonde, les pluies inondent la mare aux libellules. Et ces insectes agaçants, minuscules, soudain se dévergondent à contre-vent...

Au large de tes yeux

  Au large de tes yeux, il y a des barques couleur de cerne, des pupilles qui s’émoussent. Orphelins d’un regard, quelques marins qui s’enha...